Les San Blas

Normalement quelques photos devraient pouvoir vous donner l'image traditionnelle que l'on connaît des San Blas, après avoir été sur Google ou vu les blogs de nos prédécesseurs....

Sur place ce n'est plus tout à fait pareil. Les saisons sont là pour contrarier le reporter photographique. Pas la bonne lumière, tout est recouvert d'une brume vaporeuse, de beaux nuages bien noirs cachent le soleil. Du coup la mer est grise ou argentée et non bleue comme le soleil saurait nous la faire apparaître, à l'horizon le ciel et la mer se confondent dans un dégradés de gris. 

Nous sommes en décembre, le premier mois de la saison sèche. Évidemment, si c'est le premier il n'est pas complètement sec. Nous avons un peu de pluie la journée, mais surtout la nuit. Tu sais celle qui te fait te lever pour fermer les hublots, qu'après tu crèves de chaud, que tu reouvres en sachant que dans peu de temps il faudra te lever pour recommencer la manip. La journée, au-dessus de la terre, stagnent de gros nuages bien chargés. Au-dessus des îles le temps est un peu plus clair, mais pas suffisamment pour que les panneaux solaires donnent assez d'énergie. 

Le site est néanmoins exceptionnel. Bon le topo d'abord. Nous sommes au Panama, c'est cette bande de terre étroite, qui relie les 2 Amériques entre elles, en se tortillant un peu.

Mondialement connu pour son canal, initié par le fameux Ferdinand de Lesseps. À cette époque d'ailleurs le Panama n'était pas le Panama mais la Colombie. Avant le canal, pour passer de l'Atlantique au Pacifique c'était un peu plus compliqué qu'aujourd'hui. Les conquistadors étaient toujours plus avides et toujours plus pressés. Faire le tour par le cap Horn ça s'est fait un moment, mais toujours un peu long et parfois dur dur. Des années plus tard, en 1855, il y a eu un train qui existe toujours, mais bon on le sait dans le transport ce qui coûte ce sont les ruptures de charges. Bref, les Colombiens ont été séduits en 1880 par le projet pharaonique de notre concitoyen Ferdinand, qui avait le Canal de Suez dans son CV. Aussitôt dit aussitôt fait, ou presque. La compagnie de Ferdinand fera faillite en 1889, les banquiers se faisant, déjà à l'époque, appeler désirés, la France avait déjà beaucoup dépensé pour le projet. Le climat, les pluies torrentielles, les maladies tropicales, les vérités géologiques ont durement éprouvés les travaux en alourdissant les coûts, toujours plus énormes. Une autre compagnie, toujours française, en 1894 suivra le même chemin, avec les mêmes problèmes et la même réussite. Cette fois le gouvernement français ne mettra pas un pesos. Néanmoins le chantier aura avancé et les techniques à employer ont été redéfinies de façon plus appropriée. 

En faisant un business plan on se rend compte qu'il y a sûrement des dollars à se faire et la position est stratégique. En 1903, les Américains vont donc s'y mettre et régenter toute l'affaire. Roosevelt veut le Canal et il trouve les charges exigées par la Colombie extravagantes.  Les travaux se finiront et comme il vaut mieux avoir des alliées fidèles on redistribue les cartes. Roosevelt mettra toute sa diplomatie en œuvre pour que le Panama finisse par avoir son indépendance et la gestion du Canal. Bien sûr avec l'aide bienveillante des Américains, et quelques bases militaires !

Le territoire des San Blas, dans le Panama, est la terre d'origine des indiens Kuna, descendants des indiens Caraïbes. Depuis leur volonté d'indépendance ils préfèrent se faire appeler les Guna Yala, Ils ont obtenu une certaine autonomie et ont gardé leurs coutumes ancestrales. Rare exemple dans le monde où des tribus vivent toujours suivant le même mode, même si un peu de progrès est venu apporter quelques aides, comme le téléphone par exemple. Les Guna Yala vivaient au début dans les montagnes et la jungle mais ont, petit à petit, émigrés dans les îles pour être à l'abri des prédateurs sauvages, les serpents, les fièvres et les envahisseurs. Il est toujours plus facile de se défendre quand on est sur une île. Les îles sont assez nombreuses pour tous les accueillir.

Les Guna sont petits mais bien proportionnés, vigoureux et en bonne santé. Des chercheurs sont venus étudier les raisons de leur longévité, ici ce n'est pas l'huile d'olive !...

Le premier traité qui permettait aux Guna Yala de vivre dans une certaine indépendance et paix date de 1785, après une trentaine d'année de violences. Les Guna ont 3 représentants dans chaque village. Ce sont les caciques du village dont l'un sera le grand chef. Tout les soirs le Congresso est réuni où les habitants peuvent parler de leurs problèmes ou besoins. Mais surtout le congresso sert à transmettre la culture des Guna Yala. La parole des anciens est racontée ou chantée, avec leur philosophie, leur histoire, la médecine et règles de vie. Chaque village fourni un représentant, dont l'un d'entre eux deviendra le leader suprême de la Nation des Guna. Après l'indépendance du Panama, en 1903, un gouverneur a été nommé pour s'occuper de cette bande de sauvages ! Mais les lois appliquées ne respectent pas leurs règles ancestrales. Une rébellion éclate, nommée "Holocausto de las Razas". À cette occasion le chef suprême a déclaré, unilatéralement, la totale indépendance des Guna. Le Panama en apprenant cela a voulu organiser une répression. Hop hop ! Ce sont alors écriés les Américains ! C'est pas bon pour le commerce çà ! Allez ranger vos armes on va faire un petit traité qui laissera les Guna tranquilles et qui n'embêtera personne. Au fil des décennies leur autonomie est de plus en plus grande et les relations entre les chefs et le gouvernement panaméen sont bonnes.

Les Guna Yala, dans leur ensemble sont propriétaires de toute leur terre. Ils ne la divisent pas entre eux, ils n'ont pas de notion de propriété dans leur lois. La terre est à eux tous et ils ont tous le droit de la servir et de l'utiliser. Les étrangers n'ont pas le droit d'y investir.

C'est une société matriarcale, ce sont les maris qui suivent leurs épouses. Les femmes s'occupent de l'argent. Les mariages avec des personnes non Guna ne sont pas autorisés ou sanctionnés d'une expulsion du territoire. Nous avons entendu dire que ce n'était plus vrai...? De même les non Guna n'ont pas l'autorisation de s'installer trop longtemps.

Du coup, sur une population de 55000 habitants les défauts dus à la consanguinité peuvent être observés. Certaines personnes qui viennent au bateau pour commercer sont albinos. La population au début de l'invasion espagnole était 10 fois supérieure. Il n'y a pas d'âge pour se marier, c'est quand les femmes jugeront que l'enfant est maintenant assez grand pour le faire.

Bon je me suis laissé un peu emporté par mes précédentes lectures, très intéressantes, du guide, "The Panama Cruising Guide". Fort bien écrit, documenté et illustré par Éric Bauhaus en anglais et j'espère qu'il ne m'en voudra pas d'avoir puisé dans ses informations.

C'est un topo géographique que je voulais faire, mais l'histoire est présente, l'ignorer aurait été regrettable.

Le territoire des Guna Yala est donc un immense archipel d'environ 340 îles, dont certaines seulement  sont habitées. À chaque mise à jour, nous en sommes à la cinquième, Éric Bauhaus recompte les îles car certaines disparaîtraient à cause de la montée des eaux due au réchauffement de la planète.

Car ici les îles n'ont pas de montagne, elles sont plates, recouvertes de sable ou de mangrove.

Îles, hauts fonds, patates de corail, sont les conditions de navigations que l'on y rencontre. Avec la particularité que les cartes habituellement utilisées, dans les systèmes de navigation de nos bateaux, sont ici totalement fausses, en particulier celles de Navionix ! Attention danger !

Sur notre trace ci-dessus, en pointillés bleus, nous voyons très bien que la carte est fausse et heureusement car nous nous serions échoués à 4 endroits.

Il est recommandé de toujours se déplacer quand le soleil est haut et plutôt derrière que devant. Ainsi nous pouvons apprécier la profondeur en fonction de la couleur de l'eau. Bleu ou vert foncé c'est bon il y a de l'eau. Quand ça s'éclaircie il faut être attentif, sachant que lorsque la couleur est plus blanche que bleue ou vert pâle c'est que le fond est inférieur à 1 m. Quand il y a des tâches de couleurs brunes les têtes de corail ne sont pas loin. Le sondeur ne mesurant le fond que sous le bateau, si on se contente de le surveiller, ce sera trop tard.

En cette saison les vents sont, en principe, constants en direction. Au mouillage nous devons donc toujours nous méfier d'un renversement de vent. Quand il se produit le bateau va se retrouver à l'opposé ce qui peut nous entraîner à l'opposé de notre position initiale par rapport à l'emplacement de l'ancre, ou à 90 °. À chaque ancrage il est donc indispensable de vérifier, d'abord que l'ancre est bien accrochée au fond de l'eau et que le cercle d'évitement est libre. Avant de jeter l'ancre il est bon de faire un tour du mouillage en repérant l'emplacement qui nous paraît être le bon et en faisant un tour complet pour vérifier la profondeur dans le cercle qui sera déterminé par la longueur de chaîne. Et puisque nous sommes dans les détails d'ancrage, sachez  que c'est la longueur de chaîne, plus que le poids de l'ancre, qui va faire qu'un bateau va tenir. Plus la chaîne tire à l'hrizontale et plus l'ancre s'enfonce et crée une pression qui la bloque. Pour avoir une chaîne horizontale il faut que sa longueur soit au moins 3 fois celle de la hauteur d'eau. À cette longueur il faut ajouter la longueur du bateau et une longueur de sécurité estimée nécessaire par le capitaine. Pour Seayousoon nous avons constaté que cette formule est bonne jusqu'à 10 nds de vent. Au-delà et si les fonds ne sont pas très accrocheurs, commme la vase, nous rajoutons 10 m par dizaine de noeuds de vent attendu.

Exemple par 5 m de fond et un vent attendu de 20 nds nous mettrons (5 x 3)+13,5+(2x10)=48,50 m et dormirons sur nos 2 oreilles. Toutefois nous mettrons en route une alarme de mouillage qui sonnera dès que le bateau sortira du cercle d'évitement théorique. Nous avons 70 m de chaîne sur Seayousoon.

Bon après cette nouvelle disgression technique voilà quelques photos qui ne sont pas les meilleures qui aient été faites dans cette endroit paradisiaque....quand il est bien ensoleillé.

Premier mouillage derrière des îles côté Est.

Ombres et lumières, avec une touche de vert.

Pas trop de monde sur celle-là !

Le pont qui relie 2 villages, soit 2 îles. Il paraît que cela a permis un développement économique profitable aux 2 tribus. 

Les toits anciens et modernes se côtoient. Ceux à l'ancienne faits avec des branches récupérées dans la jungle dureraient 15 ans sans aucune fuite....

Pas de meubles dans les huttes, seulement des hamacs et quelques ustensiles de cuisines. Néanmoins il y a des maisons en dur dont certaines, nous avons pu le constater, sont meublées comme chez nous.

Quand on se promène dans les villages les passants que l'on croise ne nous regarde pas. Sauf les enfants, la taille de Michel et notre peau, même bronzée, sont des différences qui les impressionnent.

Les bateaux taxi attendent...

Petite visite du village de Nargana, à la recherche d'une carte SIM, qui arrivera avec le prochain bateau, peut-être.... Donc toujours pas de connexion pour nous !

Les pêcheurs viennent nous proposer leur pêche, dans de frêles esquifs taillées dans un arbre mais équipées d'une voile.

Aujourd'hui c'est Noël, alors langoustes ! Nous en aurons 5 petites à moyennes pour 20 $ US.

Repas typique de la saison, mais pas de l'endroit où nous sommes.

Une Guna Yala vient nous proposer son travail artisanal, des molas, des sacs et bracelets.

Les molas étant leur spécialité. Ce sont des pièces de tissus de différentes couleurs qui sont assemblés. L'artiste découpe alors des figures géométriques ou des silhouettes dans les différentes couches. Le dessin apparaît donc avec les différences de couleur. Il ne "reste plus qu'à coudre" ! Un molas moyen demande une trentaine d'heure de travail et sera vendu 15 à 20 $, sachant qu'il y a 2 carrés de tissus identiques. Traditionnellement le molas était utilisé pour décorer les vêtements des femmes. Un devant comme un plastron et l'autre dans le dos, le tout rigoureusement symétrique. De 2 tissus identiques il était facile d'en faire un sac.

Le mouillage où nous restons est abrité par une barrière de corail et devant une petite île recouverte de mangrove et de cocotiers. Du coup nous n'avons pas de vagues, mais du vent qui reste constant au-dessus de 10 nds. Il pousse les moustiques et autres nonos ou mouches carnivores, sous le vent de l'île. Ce sont donc les bateaux qui s'y trouvent qui les ont et pas nous tralalalalaire ! Michel en a fait la cuisante expérience, en voulant faire du snorkeling sous le vent d'une île, le temps d'amarrer l'annexe il est revenu avec 20 piqûres, de belles bouffiolles c.. ! 

Par contre certains jours le vent tombe complètement. Tous les insectes piquants se ruent alors à l'abordage. Ils n'ont pas de vent pour contrarier leur soif de sang humain. Les salopiauts ils en profitent et viennent se régaler ! Les crèmes ou sprays ne suffisent pas. À partir de 17 h ces jours là nous mettons pantalons et chemises manches longues !

Toujours un peu couvert ! Mais c'est quand même mieux que la télé...

Pour la nuit de la Saint Sylvestres la lune est venu faire la fête avec nous....

Ami ami ami toi qui vit loin d'ici

Dit moi si la nuit tu vois la même lune que moi

Une lumière dans le noir

Comme un signe d'espoir

De ce revoir..... (Enzo Enzo)

C'est tout juste si les panneaux solaires n'ont pas frémi sous le clair de lune.

Et comme il n'y a pas de vent nous avons bien chaud ! Il n'y a que dans l'eau que nous sommes bien, les moustiques ne plongent pas et le frais, relatif, de l'eau de mer apaise nos piqûres.

En 2 semaines le temps est rester le même, aussi nous allons doucement aller vers Linton Baie, pour retrouver la civilisation et entreprendre les quelques travaux d'entretien, en vue des grandes traversées et des mois que nous allons passés loin des possibilités d'acheter du materiel pour Seayousoon. Nous reviendrons peut-être fin janvier si le temps s'est amélioré et en attendant la livraison des pièces détachées. En principe les pièces sont facilement trouvables à Panama et il y a des rotations de cargos tous les 15 jours en provenance des USA.

Nous vous raconterons tous, promis.

Que le soleil soit avec vous