Archives du blog

samedi 10 mars 2018

Le Canal de Panama ce n'est pas banal !

Avant le transit nous avions rejoint Shelterbay Marina où les matériels, commandés à Marine Warehouse, nous ont été livrés comme prévu le 26 février.
Le passage du Canal est programmé à partir du 2 mars en début d'après-midi. Le pilote ou plutôt l'advisor devant nous rejoindre au mouillage, appelé flat (N 09°20, W 079° 054), à 13 h. Les 4 lignes d'amarrage, bien plus longues que les nôtres, et les 8 défenses devaient nous être livrées la veille. En fait nous les attendront jusqu'à 12 h 20 le jour du départ et la nervosité grimpait à chaque minute, dès 12 h.
En contact par email avec l'agent Erick nous savions néanmoins qu'elles nous seraient livrées en temps et en heure. C'était la première des attentes que nous aurons à subir....

A 12 h 30 nous avons donc largué les amarres pour arriver au flat quelque peu après 13 h. Le catamaran Cekankonvaou était déjà là ainsi qu'un mono battant pavillon Américain.

Gaëlle, notre quatrième handliner se trouve à bord de Cekankonvaou où son mari Jean-Marie l'avait laissée, avant de partir avec avec sa plus jeune fille vers Portobello. La plus âgée étant également sur le cata comme baby-sitter, pour libérer la maman de la garde d'un tout petit garçon.

Nous avions déjà rencontré Michel, le capitaine du cata, car nous pensions transiter ensemble à couple. C'est dans cette configuration que les voiliers transitent pour ne pas occuper une place trop longue dans les écluses. Et en largeur la place est nettement suffisante.
En arrivant sur le flat nous avons contacté la régulation du Canal, VHF 12, afin de leur confirmer notre arrivée et demander l'heure d'embarquement de l'advisor. 17 h 00 nous a-t-on répondu ! Ce sera donc une deuxième attente d'un peu plus de 4 h. Dans ce laps de temps nous embarquerons Gaëlle, sa fille Coline n'étant pas du tout affectée par la séparation, bien au contraire. La petite famille de Balanec est donc éclatée en 3 groupes.

La super équipe de handliners est au complet sur Seayousoon !

Les advisors sont les pilotes pour les petites embarcations, comme nos voiliers. Ils sont tous déjà employés par le Canal à différents postes. Le travail d'advisor est un extra qui leur permet d'arrondir les fins de mois et de faire des rencontres très internationales. En une année ils transitent une cinquantaines de fois, avec une fréquence élevée, 4 à 5 fois par semaine, en pleine saison de février à avril. Étant donné qu'ils ont un travail ils ne viennent sur les bateaux qu'après l'heure de débauche, soit après 16 h.

Ils reçoivent une formation bien moins importante que celle suivie par les pilotes qui guident les immenses cargos ou paquebots que nous croiserons. Les advisors trouvent que les pilotes leur font sentir qu'ils n'ont pas le même métier....

C'est donc vers 17 h  que nous accueillerons notre Advisor. Après un rapide briefing nous lèverons l'ancre pour rejoindre la première écluse à une heure de route. En chemin nous passerons sous le pont suspendu en construction, un bel ouvrage d'art dont le maître d'oeuvre est Vinci.



La configuration pour passer les écluses sera donc les 3 voiliers à couple, le catamaran entre les 2 monocoques. Avant de rentrer dans "the chamber" soit l'écluse, nous nous mettrons en formation, d'abord l'Americain sur le tribord du cata, puis Seayousoon à bâbord. La manœuvre n'a pas été très simple car le vent proche de 15 nds, venant de l'arrière faisait pivoter le premier assemblage qui n'est que moyennement manœuvrable.
La mère et la fille échange leurs impressions...pendant qu'on s'active pour bien amarrer les 2 bateaux entre eux.
Quand les 3 bateaux forment un radeau compact et solide nous entrons dans la première écluse, derrière un cargo et un remorqueur.
Tout un symbole, les portes vers l'atlantique vont se fermer. Pour y revenir il faut faire le tour du globe terrestre....

Le dénivelé est de 27 m que l'on franchira en 3 écluses montantes puis 3 écluses descendantes.
La première nous hissera de 10 m. Les pompes sont en route et poussent l'eau par le fond de l'écluse. En parallèle des écluses il y a des retenues d'eau qui permettent cela sans perte de temps.

Pour tenir ce radeau au milieu de la chambre, il y a 2 lignes de chaque côté de l'embarcation, donc sur chacun des 2 monocoques. La tension de ces lignes devant être ajustée en fonction de la montée ou de la descente du niveau d'eau.
Pour que nous puissions donner l'extrémité de la ligne aux marineros de l'écluse, ceux ci-nous lancent avec dextérité la touline. C'est un bout léger dont l'extrémité  est une boule. Le poids de cette boule entraîne le bout jusque sur le pont du bateau. Le poids de celle-ci n'étant pas négligeable, il est conseillé de couvrir les panneaux solaires pour éviter qu'ils soient brisés par une touline, malencontreusement lancée sur l'un d'entre eux. Pour protéger les panneaux solaires de Seayousoon nous les avons recouverts par les coussins du cockpit, solidement fixés pour qu'ils ne s'envolent pas. En fait les toulines sont lancées avec précision et n'ont jamais été envoyées sur les panneaux solaires.
Faute des coussins nous serons donc assis à la dure ! 
Voilà, nous sommes 10 m au dessus du niveau de la mer, nous nous déplaçons vers la deuxième écluse, accompagnés par les marineros qui maintiennent les toulines.

Arrivés en position ils vont récupérer la ligne et la frapper sur une bite d'amarrage grâce à la boucle que nous avons préalablement faite à une extrémité de la ligne. Bonne occasion pour que les moins habitués révisent le noeuds de chaise.
Pour conduire ce déplacement c'est le capitaine du catamaran qui pilote le radeau, avec l'appui éventuel des monos pour aider au pivotement. Par exemple si le bateau qui est à gauche fait marche arrière, l'ensemble va pivoter dans le sens anti horaire. Les 3 bateaux garderont tout le temps leur moteur en marche, au cas où cela serait nécessaire pour compenser une éventuelle dérive.
Tout cela sous les yeux des advisors qui commandent les manœuvres, veillent à leur bonne exécution et anticipent les éventuelles difficultés.

Jean-François, un des handliners du catamaran viendra sur Seayousoon expliquer les manœuvres des lignes, car il a déjà l'expérience du transit sur le voilier Mars et il n'y a pas de ligne sur le cata qui est au milieu...
Le radeau formé des 3 bateaux est bien assuré par 4 amarres, 2 en pointe et 2 en garde. Les mâts ne doivent pas être en face, car lors des déplacements entre 2 écluses les vagues provoquées par les navires croisés font rouler les 3 bateaux au risque que les barres de flêche s'entrechoquent. Le risque est faible entre un catamaran et un mono car la largeur du cata éloigne les mâts. 
Gaëlle est très attentive aux conseils de Jean-François, d'autant qu'elle aura à les reproduire et les expliquer, pour le transit de Balanec.


Sophie et Gaëlle à l'arrière, Nicole et Jacques à l'avant.


Les 4 handliners sont exigés par la société du Canal. En fait ils sont nécessaires quand le bateau est seul dans la chambre. Dans notre cas, nous n'avions que 2 lignes et 2 handliners auraient suffit. En manœuvrant les lignes on assume la responsabilité des 3 bateaux et à 2 par ligne la manœuvre est bien facilité. À la descente du niveau de l'eau, les lignes étant frappées sur une bite d'amarrage en haut du mur, lorsque le niveau de l'eau baisse il faut les lâcher en continu tout en gardant une tension constante. Et l'inverse quand le niveau de l'eau monte. Ainsi les embarcations restent au milieu des chambres et ne risquent pas de toucher les murs. Le courant ne se fait sentir que légèrement au remplissage ou au vidage.
Pour les gros bateaux les lignes sont remplacées par des câbles et les handliners par 6 petites locomotives, qui assurent le bon centrage du navire tout en le tractant pour le faire entrer ou sortir de l'écluse. Opération également délicate car pour certains cargos l'espace entre le mur n'est que de 0,60 m.

Le premier jour nous franchirons 3 écluses avant d'arriver au lac Gatun, où il fera nuit noire quand nous y serons. La lune pleine était bien là mais pas assez de lumière pour voir le paysage.
Nous nous amarrerons à une tone, grosse bouée de 2,5 m de diamètre, pour passer la nuit. Pas ou très peu de vent, pas de vague et c'est de là que nous quittera notre premier advisor, Robin, très pédagogue.
Nous pensions nous mettre sur la même tone avec Cekankonvaou, pour un mega apéro mais leur advisor en a décidé autrement. Ils passeront la nuit avec le bateau américain, sur la deuxième tone.
Soirée agréable après cette première très impressionnante journée de passage de 3 écluses. Heureusement que les 3 voiliers sont groupés, car dans le gigantisme environnant un voilier seul paraitrait perdu !
Après un excellent dîner préparé par Nicole, des lasagnes bolognaises goût chili, super sauce panaméenne ! Les conversations allaient bon train mais très vite le sommeil nous a tous attaqués. Le réveil est programmé pour sonner à 5 h 30 car l'advisor doit nous rejoindre à 6 h 30 ! C'est bien trop tôt pour les marmottes que nous sommes.
Heureusement un copieux petit déjeuner va tous nous mettre d'équerre, prêts à affronter la deuxième journée avec aussi 3 écluses et 35 NM à parcourir pour rejoindre le mouillage de las Brisas, dans le Pacifique.
Là encore nous avons attendu notre advisor qui est arrivé avec un peu plus de 1 h de retard. Par contre  ce sont 2 personnes qui sont montées à bord, l'advisor et un apprenti advisor.
À ce moment nous recevons l'information que Seayousoon passera les écluses à couple avec un bateau qui promène les touristes sur le Canal. En avant toute à 6 nds pour arriver à l'heure. Alors que les 2 autres voiliers attendent toujours leur advisor respectif.
Le lac de Gatun est en fait une retenue d'eau immense. Ce que nous prenons pour des iles sont en fait les sommets des montagnes ou plutôt collines prisonnières des eaux. Nous avons un peu l'impression de naviguer sur un lac de montagne, le froid ou la fraîcheur en moins.

On s'occupe pendant les 4 heures de navigation, Gaëlle s'essaie à la barre, on papote..., on prend des photos, on questionne les advisors sur le Canal....


De beaux moments....

Alors que Sophie regrettait de ne pas avoir vu de crocodile, juste à cet instant Michel en repère un sur la berge. Le temps de sortir les appareils photos nous étions déjà un peu loin pour avoir des photos bien nettes.
Pas très facile à distinguer car il est sombre sur un fond sombre.

Par moment le vent est relativement fort, 15 à 20 nds mais nous n'avons pas l'autorisation de naviguer à la voile. Il semble que lorsque cela était permis certains voiliers ont coupé leur moteur et n'ont pas pu le remettre en route et la panne perturbe le planning des passages. Nous aurons donc tout le temps le moteur en marche, même dans les écluses. À la sortie les batterries seront chargées à bloc !
En cours de route l'advisor recevra un contre ordre, nous ne passerons pas les écluses avec un bateau de tourisme mais dans la même configuration que la veille. L'advisor soupçonne que c'est le pilote qui a dû refuser de s'embêter à manœuvrer pour accrocher un petit voilier. Il semble que les pilotes sont des divas capables de faire changer les programmations. Dommage, car en étant à couple avec un bateau beaucoup plus grand les lignes sont gérées sur celui-ci et nous n'aurions rien eu à faire.
Les advisors ont un listing de tous les passages de la journée avec les horaires. Il ne s'agit pas de prendre du retard. En sachant que le coût moyen de passage d'un cargo est de 350 000 $, il est facile de comprendre pourquoi.
Les bouées qui délimitent le chenal, rouge à droite et verte à gauche sont toutes numérotées. En contrôlant l'heure de passage devant une bouée il est possible d'en déduire si nous sommes en avance ou en retard.
Le Canal à chaque écluse se divise en 2 afin de faire passer les bateaux dans les 2 sens, ou dans le même sens, suivant le besoin du trafic. En une journée 40 bateaux transitent sur l'ancien canal. Moins de 10 sur le nouveau qui a été inauguré en 2017 pour les super tankers et autres gigantesques navires avec des pyramides de containers. Pour ceux-là le coût du transit est bien supérieur au million de dollars.
Le Canal de Panama est donc une grosse machine à cash, qui emploie 10 000 personnes.
Du coup nous sommes en avance et Seayousoon réduira sa vitesse à 2 nds. À midi nous nous amarrerons à une tone afin de déjeuner tranquillement. Nous verrons Cekankonvaou nous rattraper et s'amuser à nous rappeler la fable du lièvre et de la tortue.
Un peu avant 15 h, à l'entrée de Pedro Miguel, la première écluse de la journée, nous nous mettrons à nouveau à couple. L'advisor va nous faire changer de méthode. Seayousoon commencera à s'amarrer au mur central à gauche, car nous empruntons les voies de droites, puis Cekankonvaou viendra se mettre à couple et après les Américains.
Une fois à couple les manœuvres sont les mêmes que celles de la veille et ne posent aucun problème à notre super équipe d'handliners ! 

Entre cette écluse et celle de Miraflores il y a 1 NM à franchir en restant à couple. Les moteurs du cata sont assez puissants pour entraîner les 3 embarcations. Quelques rares corrections de trajectoires auront été nécessaires, facilement réalisées par les 54 CV du moteur de Seayousoon.

Beaucoup de monde sur les terrasses du musée du Canal à Miraflores, pour assister aux manœuvres.


La dernière écluse sera vite passée, il nous reste 10 NM pour arriver au mouillage des Brisas. Au passage du yacht Club de Balboa nous laisserons les lignes et les amarres que l'agent nous avez louées. Après un appel sur la VHF 6 un marineros nous répond et avec une lancha il ne mettra pas longtemps pour se mettre à côté de nous, et nous permettre de lui donner le matériel. Quelques minutes plus tard un bateau pilote nous a rejoint sur lequel nos advisors seront embarqués pour rentrer chez eux. Cela c'est passé sous le pont du centenaire.


Nous arriverons sur le mouillage des Brisas à la nuit noire, toujours un peu angoissant.

 Beaucoup d'embarcations pas toutes bien éclairées. Il faudra slalomer pour trouver une place, sans oublier que de ce côté du Panama il y a des marées non négligeables, de 4 à 5 m. Grâce à l'application Ayetiedes nous savons de combien de mètres le niveau va monter ou baisser. Dans notre cas la mer devait baisser de 5 m et avec un tirant d'eau de 2,10 m il faut 7,10 m plus une garde suffisante pour absorber les éventuelles vagues. Nous mouillerons dans 9 m d'eau et dormirons tranquilles. 
Côté Atlantique les marées sont de l'ordre de 30 à 40 cm. Cette différence est assez surprenante alors qu'il n'y a que 70 km entre les 2 océans.
Un peu après notre arrivée nous verrons un bateau de pêche s'approcher et s'amarrer à un corps mort. Dans la nuit nous n'avions pas vu le flotteur, ni sont bout...!
Le lendemain matin nos handliners rejoindront ceux de Cekankonvaou, pour retrouver leurs bateaux à Shelterbay ou Porto Bello. Sophie et Jacques ayant programmé une nuit à l'hôtel pour visiter Panama City.
Nous avons particulièrement apprécié la compagnie de Sophie, Gaëlle et Jacques, ce fut un excellent moment que nous ne sommes pas prêts d'oublier.
Dans l'après-midi le vent va tomber et les bateaux vont s'orienter  différemment, en fonction de leur sensibilité au vent et au courant. Ce dernier étant généré par le sens de la marée. Seayousoon était orienté entre le sens du courant et du vent alors que le bateau de pêche s'est orienté dans le sens du courant. Son arrière est venu frôler notre étrave et son annexe butait sur notre chaîne. La position était intenable aussi nous avons rejoint le mouillage de la Playita, beaucoup plus tranquille et fréquenté que par des bateaux de dimensions similaires. Quelques passages de bateaux moteurs nous secouent de temps en temps mais rien de vaiment gênant.

Par ailleurs il est possible de débarquer en laissant le dinghy en sécurité dans la marina de la Playita, alors que le quai de las Brisas n'est pas adapté pour garantir l'intégrité d'une annexe. Même si la marina fait payer 50 $ par semaine, plus les taxes, c'est le prix de la tranquilité. Avec nous sur le mouillage nous retrouvons une demi-douzaine de bateaux rencontrés dans notre périple antillais.

Le passage du Canal était un mythe qui est devenu une belle expérience, d'autant plus belle qu'elle était partagée avec nos amis, venus nous aider en faisant les handliners.

Le programme est maintenant de finir l'avitaillement par la viande et le frais. Nous nous sommes inspirés du bateau Sea You en achetant un jambon entier, qui nous tiendra plus de 1 mois. Ensuite nous passerons quelques jours dans les iles de Las Perlas. La durée sera fonction de l'intérêt des lieux et de la bonne fenêtre météo. Il paraît que la température de l'eau aux Perlas est de 20 à 21 °. Nous devons faire l'acquisition d'une combinaison de plongée pour Nicole plus épaisse que son shorty...
Avant la fin mars nous partirons pour Les Gambier et une navigation de 30 jours environ. Les 10 premiers étant les plus compliqués avec une météo de type pot au noir.
La zone perturbée, tout le temps, est grande et les vents seront inférieurs à 10 nds, avec des moments à moins de 5 nds. Il faudra prendre notre mal en patience. Heureusement que nous avons pu faire réparer le parasailor qui devrait nous être bien utile pour ce passage.

Dans le cas où il n'y aurait pas du tout de vent, ça arrive fréquemment, nous aurons une réserve de 100 l supplémentaires de gas-oil.
Avec tout ça les lignes d'eau de Seayousoon sont bien enfoncées dans l'eau !

Comme pendant la transatlantique nous communiquerons par l'intermédiaire de l'Iridium et du blog.

Que le soleil soit avec vous.

1 commentaire:

Unknown a dit…

Impressionnant la quantité de manoeuvre et autre.... plus compliqué qu'on pourrait le croire !!